Black
Out, nouvelle création de la compagnie Philippe Saire est à voir sans
faute, sans détours, sans attendre; à voir et à ressentir, à
interpréter, à questionner... 40 minutes suspendues pendant lesquelles
le spectateur prend place autour d'un cube et se penche à une barrière
pour assister au spectacle. Au fond de cet espace, la scène, les trois
danseurs, une lumière tout d'abord blanche et crue sous laquelle les
dimensions sont gommées. Les danseurs allongés évoluent le visage caché
par leurs bras comme si la lumière les aveuglait; ce qu'on pourrait
prendre pour une scène de "plage" de "farniente" se transforme
progressivement, il y a une espèce d'angoisse en suspend qui vient
prendre vie lorsque tombe du ciel des nuages de matière noire. Les corps
vont alors reprendre forme, les visages aussi et l'on va glisser vers
un contenu plus dense, plus trouble dans lequel se dessinent plusieurs
enjeux que seul le spectateur va décoder s'il le veut. J'aurai tendance à
dire que toute interprétation est possible, je vais donc ici tenter de
vous livrer la mienne.
En
assistant à ce spectacle je suis tombée dans un mauvais rêve éveillé,
une sensation qui tendait vers l'infini où plus aucune forme d'espoir
n'était permise. Comme la mort d'un soleil, le chorégraphe nous entraine
vers notre espace sombre interne. On pense à "Melancholia", aux nuages
de cendres de "The Road" mais aussi au "dark passenger" au "chien noir"
de Churchill; Philippe Saire mélange une fin du monde avec une fin de
soi et c'est dans ce ricochet thématique que réside la qualité de cet
objet scénique. Tout ceci nous entraine dans un magma de négation. Plus
se dessinent les corps et plus les danseurs gravent sur le sol par leurs
pas à travers cette matière noire; plus il y a négation. Ce négatif
révèle nos peurs et nos cauchemars, ils prennent de l'amplitude par les
mouvements des danseurs. Leurs corps aimantent cette poussière noire
afin de ne laisser qu'une image brute et multidimensionnelle, il s'agit
alors de faire l'expérience intime de la fin de notre monde aussi bien
interne qu'extérieure. Reste le sentiment vertigineux de l'expansion de
l'univers, de l'infini; ce moment où notre pensée s'enchainant, il n'y a
plus de fin mais, peut-être a-t-on envie de l'imaginer, une suite ou
une renaissance éventuelle.
Le
noir, addition de toutes les couleurs de notre prisme chromatique, le
noir comme révélateur de nos peurs primales, le noir comme outil
poétique et symbolique ultime; le noir comme une nouvelle lumière sur
notre existence, comme un nouveau contenant.
Pour
qui veut alors faire cette expérience bien plus agréable que ces mots
peuvent le laisser transparaitre, je ne saurai que trop conseiller
d'aller voir ce spectacle à l'affiche du Théâtre Sévelin 36 jusqu'au 11
décembre 2012, afin d'en faire son interprétation personnelle et de
pouvoir la partager à l'issue de ces 40 minutes intenses et émouvantes.
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