29/03/2012

"The rebellion of the silent sheep" ou la nostalgie post-ado mais tenace du trentenaire bobo

Ce soir je suis allée voir un spectacle de danse dans le cadre du festival "les Printemps de Sévelin".
Le titre me paraissait prometteur, "The rebellion of the silent sheep", un titre qui vend du rêve et qui n'était pas sans me rappeler la nouvelle de Philip K. Dick " Do androids dream of electric sheep" ( nouvelle à l'origine de Blade Runner, un de mes films préféré )... Ceci étant dit, je peux à présent aller plus loin; ou du moins essayer. Essayer car vendre du rêve à base de moutons ne suffit pas; je m'explique.
Le spectateur est placé devant une boîte noire dite intimiste, des rideaux noirs élaguant la scène,  le programme parle d'ailleurs de scénographie et à l'heure qu'il est je la cherche encore. Devant nous interviennent trois danseurs et un musicien. Oui car j'ai déjà dit qu'il s'agissait d'un spectacle de danse, enfin je crois car là aussi je ne l'ai pas vu. Heureusement que le musicien joue sur des instruments, sinon je me demanderais encore s'il y en avait...de la musique...
Pour résumer, j'ai assisté à une performance velléitaire cherchant à tirer de la musique des corps, de la danse des voix, des rires du spectateur et même quelques larmes. Bon, vous l'aurez compris, je n'ai pas aimé.
La chorégraphe tente apparemment d'amener le spectateur à l'idée de la solitude en société, de la complaisance de la tristesse, du désir inassouvi et des envies manquées. Pour ça les interprètes bougent un peu, chante un peu et font du ukulélé. J'ai d'abord eu un haut le cœur quant au manque de signes.
Les costumes par exemple, ah non il n'y en a pas. Au départ je voulais appeler cet article "la rébellion des chaussettes bariolées" mais comme ils les enlèvent au bout de cinq minutes, ça n'aurait pas fonctionné. J'ai eu l'impression de me retrouver un dimanche d'ennui dans le salon des interprètes, comme eux, avec un t-shirt informe et terne sur un leggings qui marque bien la culotte. Ma première réaction fut de me dire que c'était fait exprès et qu'ils tentaient par là de signifier quelque chose, sans doute est-ce le cas, mais j'ai dû passer à côté ou j'ai simplement oublié cette idée. Comme si j'avais absolument voulu expliquer cette morne plaine qui se voulait spectaculaire.
L’absence de signes signifiants ne s'arrête pas là, tout est esquissé, rien n'est vraiment assumé, les filles chantent mal, bougent sans grâce, sans fondation...aucun artifice, comme une adolescence boutonneuse sans Clearasil.
Car au fond tout le problème est là; comme si l'instigatrice de ce spectacle avait voulu nous dire que la vie est dure, qu'on est tout seul même entouré, qu'on pleurniche sur le grand amour qu'on n'aura jamais, sur les rêves estompés et qu'il est dur de vivre en Suisse où tout est si calme dans la prairie des moutons silencieux.
Waouh quelle découverte! Merci Madame Jessica Huber pour tant de consistance. Je crois pourtant malgré mon ironie crasse être passée à autre chose. Je ne suis sans doute pas le public cible de votre spectacle, car je suis moins naïve. Mais vous non plus pourtant...
Suis-je totalement passée à côté? possible car le spectacle a beaucoup plu, j'en ai pour témoins tous les commentaires dithyrambiques entendus entre les toilettes et le bar.
Alors je ne sais pas, est-ce que j'en reviens toujours aux mêmes questions? Aurais-je pris de l'âge...oui évidemment, mais je crois surtout que je n'ai plus envie que l'on me raconte la difficulté "d'être" avec condescendance. L'adolescence une fois passée ne manque pas, ou rarement , laissons là derrière.
Il s'agit pourtant d'une période de construction faite de doutes et d'erreurs, de larmes, de désirs débordants et d'attentes. Et ces choses là, nous en sommes victimes à chaque période de notre vie mais au fur et à mesure que l'on avance, on gère tout ça différemment et les claques dans la gueule viennent contrebalancer notre spleen.
Le but de la chorégraphe n'était sans doute pas de parler de l'adolescence, il s'agissait sans doute d'une volonté de raconter des choses intimes et vaguement déprimées. Comme une mouche cherchant à sortir mais se tapant contre la vitre. Il n'y a rien de spectaculaire dans ce spectacle, pas de construction dramaturgique, peu de recherche corporelle et encore moins de recherche esthétique.
Alors voilà, c'était le but? ah bon alors la prochaine fois je resterai chez moi devant mon miroir je composerai une chanson en tapant sur mes cuisses avec des paroles tristes mais pas trop (car la tristesse serait un luxe selon ce spectacle) et le tout en pyjama.
Je crois sincèrement que je n'aime pas ces nouvelles formes scéniques qui ne veulent plus l'être, où la théâtralité est niée, le spectaculaire refoulé, où tout est bout de ficelle et de scotch low budget.
Nos vies ne sont pas low cost, les histoires que l'on peut raconter ne sont pas faites seulement d'ennui; Sofia Coppola , elle par contre, le fait très bien mais avec plus d'argent et incontestablement, de talent.
Avoir la trentaine ce n'est pas seulement se dire que l'on n'a plus de rêves et qu'on attend la fin en s'occupant comme on peut ( je cite ici le spectacle). La vie ne s'arrête pas à trente ans, elle continue seulement. Et quand bien même j'écoute toujours avec une émotion intacte les morceaux de Nirvana, pour rien au monde je n'aimerais me retrouver à nouveau à pogoter en chemise à carreaux. 
Ce spectacle m'a fâchée mais c'est venu plus tard, en sortant j'ai juste constaté que je n'avais pas aimé.
Mais à présent en écrivant ces lignes, je me rends compte que je ne suis pas du tout intéressée par son absence de propos, j'ai juste envie de dire "Ah bon? et puis?"
Oui les illusions adolescentes passent et trépassent, et oui à trente balais on a l'impression qu'une partie de notre existence est derrière et que la petite flamme est morne au dedans. Mais ça change quoi au final? La vie est celle que l'on en fait, les illusions ne disparaissent jamais, elles s'assagissent seulement. La capacité d'émerveillement reste intacte si on le décide, elle est toujours là, inébranlable, parfois un peu enfouie certes, mais bel et bien là. Je trouve déplacé de se plaindre de ça, qui plus est sur une scène. Car si je souhaite le faire, je ne le monte pas en non-spectacle, j'attends que ça passe en écoutant "Lithium". 
Un seul moment par contre fut splendide ce soir, au beau milieu du spectacle, comme si de rien, le danseur en paillettes qui fait des claquettes. Des minutes suspendues, poétiques et soudainement pleines de sens. Étrange. Pourquoi placer ça de cette manière? Je ne sais pas, mais à lui seul, ce moment m'a fait oublier tout le reste et rien que pour ça, je suis heureuse d'être allée à Sévelin ce soir.
C'est d'ailleurs toujours le cas, et cette année les Printemps ont mis les petits plats dans les grands. Une programmation riche et dense, un travail de communication très efficace, une vraie visibilité et donner une vraie envie d'aller voir de la danse contemporaine. Ce n'est pas donné à tout le monde dans ce milieu. Alors si vous croisez le programme n'hésitez pas à pousser la curiosité pour vous y rendre, car heureusement pour vous je ne serai pas derrière votre oreille à chuchoter "pfff c'est mauvais.." bien que cela soit loin d'être régulièrement le cas. Ce spectacle là est une exception pour moi, le premier que je n'aime pas dans ce que j'ai vu là bas. C'est une très bonne chose au final car j'ai hâte d'y retourner pour voir un spectacle à aimer et pouvoir le partager.


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