26/11/2011

Black Out ou noir c'est noir il n'y a plus d'espoir...?

Black Out, nouvelle création de la compagnie Philippe Saire est à voir sans faute, sans détours, sans attendre; à voir et à ressentir, à interpréter, à questionner... 40 minutes suspendues pendant lesquelles le spectateur prend place autour d'un cube et se penche à une barrière pour assister au spectacle. Au fond de cet espace, la scène, les trois danseurs, une lumière tout d'abord blanche et crue sous laquelle les dimensions sont gommées. Les danseurs allongés évoluent le visage caché par leurs bras comme si la lumière les aveuglait; ce qu'on pourrait prendre pour une scène de "plage" de "farniente" se transforme progressivement, il y a une espèce d'angoisse en suspend qui vient prendre vie lorsque tombe du ciel des nuages de matière noire. Les corps vont alors reprendre forme, les visages aussi et l'on va glisser vers un contenu plus dense, plus trouble dans lequel se dessinent plusieurs enjeux que seul le spectateur va décoder s'il le veut. J'aurai tendance à dire que toute interprétation est possible, je vais donc ici tenter de vous livrer la mienne. 
En assistant à ce spectacle je suis tombée dans un mauvais rêve éveillé, une sensation qui tendait vers l'infini où plus aucune forme d'espoir n'était permise. Comme la mort d'un soleil, le chorégraphe nous entraine vers notre espace sombre interne. On pense à "Melancholia", aux nuages de cendres de "The Road" mais aussi au "dark passenger" au "chien noir" de Churchill; Philippe Saire mélange une fin du monde avec une fin de soi et c'est dans ce ricochet thématique que réside la qualité de cet objet scénique. Tout ceci nous entraine dans un magma de négation. Plus se dessinent les corps et plus les danseurs gravent sur le sol par leurs pas à travers cette matière noire; plus il y a négation. Ce négatif révèle nos peurs et nos cauchemars, ils prennent de l'amplitude par les mouvements des danseurs. Leurs corps aimantent cette poussière noire afin de ne laisser qu'une image brute et multidimensionnelle, il s'agit alors de faire l'expérience intime de la fin de notre monde aussi bien interne qu'extérieure. Reste le sentiment vertigineux de l'expansion de l'univers, de l'infini; ce moment où notre pensée s'enchainant, il n'y a plus de fin mais, peut-être a-t-on envie de l'imaginer, une suite ou une renaissance éventuelle.
Le noir, addition de toutes les couleurs de notre prisme chromatique, le noir comme révélateur de nos peurs primales, le noir comme outil poétique et symbolique ultime; le noir comme une nouvelle lumière sur notre existence, comme un nouveau contenant.
Pour qui veut alors faire cette expérience bien plus agréable que ces mots peuvent le laisser transparaitre, je ne saurai que trop conseiller d'aller voir ce spectacle à l'affiche du Théâtre Sévelin 36 jusqu'au 11 décembre 2012, afin d'en faire son interprétation personnelle et de pouvoir la partager à l'issue de ces 40 minutes intenses et émouvantes. 




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