22/10/2011

"Polisse" ou pour les mains de Joeystarr

Que la réalisatrice Maïwenn agace ou détonne dans sa volonté de faire, il est difficile de passer à côté de ce bijou de cinéma qu'est "Polisse", difficile de rester insensible face à la construction chorale de cette chronique sociale sans détours qui peut éventuellement manquer parfois de contours dans l'écriture de certaines scènes. On sent en effet assez rapidement qu'en dehors des auditions très crues du quotidien de la brigade de protection des mineurs, les scènes de groupes peuvent parfois paraître un peu brouillon.
Peu importe, on reste sciés, et seuls certains plans permettent de reprendre le souffle nécessaire pour être témoin à notre tour de ces vies amères dont les pans se déroulent sous nos yeux. Cette fiction, fruit d'une observation bien réelle n'est pas sans rappeler les documentaires de Depardon tel que "Faits divers". Mais voilà c'est bien en échappant au documentaire et en confiant cette histoire à des acteurs que Maïwenn tire son épingle du jeu et mérite sans appel son prix à Cannes. On retrouve dans son film sa fidélité aux actrices déjà présentes dans son précédent film "Le bal des actrices", ainsi Karin Viard est méconnaissable tout comme Marina Foïs qui nous rappelle encore une fois qu'elle possède cette colère d'actrice presque carnivore, une intensité féroce et froide tout comme son personnage déroutant. Tout le monde citera aussi Joeystarr; est-il un grand acteur? la réponse est non, il se joue lui même mais malgré tout on ne peut passer à côté. Est-il ce personnage public dont on attend sans cesse les frasques et ses coups de gueule perdu au milieu de cette histoire du côté des flics? Lui jouer un flic, une gageure? Non, car il est juste, drôle et touchant et il est filmé avec amour. Oui Maïwenn filme avec amour ces acteurs et avec rage ce qu'elle tient à raconter. Les déviances d'une société toujours à la limite du précipice où se jouent les ambivalences des vies privées et professionnelles, des vies où tout se mélange et dans laquelle on ne peut ni sauver tout le monde ni se sauver soi-même. Emportés dans le quotidien de cette brigade où se mêlent les classes sociales, les attentes, les espoirs et les déceptions on aurait tendance à penser que ces flics sont formidables face aux affaires qu'ils doivent traiter. Mais voilà, si les acteurs eux, sont tous exceptionnels et malgré quelques faiblesses de construction, ce qui reste et qui nous crache à la gueule est le portrait de cette société borderline que la réalisatrice filme dans une contemplation quasi consternée. "Polisse" est un film d'urgence, à voir, et à ressentir avec son bide. Il n'est pas parfait et en cela il est bien le reflet de ce qu'il montre, le tourbillon de ces humanités protéiformes et limites. Ou quand dans une scène Joeystarr caresse la joue d'un enfant pour le consoler, on se dit qu'on n'est jamais bien loin de se prendre une nouvelle baffe; c'est là toute la force de ce film incontournable.

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