02/01/2018

Un peu de maternité et de féminisme

Voilà un peu plus de deux ans que je souhaite écrire quelque chose qui tourne autour du sujet de la mise au monde, du rapport social face à la maternité, aux violences parfois faites aux femmes dans le cadre médical. Mais parce qu'il s'agit d'un thème qui se rapporte à l'intime, au mien en tout cas, il m'a toujours été impossible de le faire. Non pas que je sois une grande pudique, pas vraiment non; mais certaines expériences privées doivent parfois le rester, un moment du moins.
Et puis cette année, il y eu pas mal de choses qui m'ont donné l'envie de m'y mettre. Une certaine libération de la parole des femmes bien sûr mais aussi une mise en avant de ces problématiques empoignées depuis déjà bien longtemps par certaines féministes. Enfin, il y a évidemment ma deuxième grossesse et la venue toute prochaine de notre deuxième enfant.
Cette seconde aventure a fait ressurgir en moi toutes ces sensations tassées au fond du tiroir émotionnel depuis deux ans, le tiroir de la naissance de mon premier, rempli d'amour bien sûr, mais aussi d'un traumatisme encore saillant quant aux circonstances. 
Il y a eu aussi ces débats sur les réseaux, ces attaques permanentes contre les féministes, celles que certains qualifient de "vraies" d'autres qui se font traiter de "trop" ou de "y'a quand même des combats plus importants"; une grosse lassitude donc quant au fait que nos combats et nos prises de positions doivent toujours être remis à une place que certains estiment être la bonne, c'est à dire réduits au silence ou au féminisme chou instagramable. 
J'ai aussi fait mon autocritique quant à mes intransigeances et j'avoue que je me porte mieux depuis que j'ai décidé d'adopter un peu plus de bienveillance et que j'ai perdu un peu de second degré et de sarcasme. 
J'ai aussi trouvé pas mal de débats imbéciles, de polémiques inutiles, d'agressions sur les réseaux très pénibles, puis je me suis fait une raison en faisant mon inventaire à travers le vocabulaire tendance.
Je serais donc une féministe tendance intersectionnelle, humaniste et bien-pensante, islamo-gauchiste un peu bobo, flexitarienne mais bio, privilégiée mais classe moyenne, militante intermittente et ne voyant pas la maternité comme un frein mais bel et bien comme un choix issu d'un désir. Voilà, donc une fois que ça c'est dit, je vais où?
Le truc c'est que dans mon esprit toutes ces choses s'entremêlent et se cognent, en conséquence de quoi je me retrouve à considérer mon prochain accouchement comme une prise de position féministe mais aussi comme un facteur de retour d'angoisses bien concrètes. 
Pour mon premier enfant, j'avais choisi de ne pas me poser trop de questions, de ne pas trop me renseigner (erreur grossière) surtout de ne pas trop écouter mes copines (pardon) et de laisser arriver ce qui arriverait tout en me disant que le CHUV de Lausanne était un des hôpitaux les plus sûr de la planète (ce que je ne remets néanmoins pas du tout en question encore aujourd'hui).
J'avais toutefois en tête quelque chose que je savais ne pas vouloir, j'en avais une trouille bleue, la césarienne d'urgence...bon, elle est arrivée quand même. 
Après 7 heures en salle de travail sans succès et après plusieurs alertes liées à ma non tolérance aux produits (hormone de synthèse pour accélérer le job et péridurale) et après une alerte très concrète quant à mon bébé, j'ai fini au bloc et 20 minutes et une énorme crise d'angoisse plus tard, c'était fini. J'étais en salle de réveil, le ventre coupé et agrafé avec une horrible infirmière agressive m'accusant de tout psychosomatiser, m'injectant des produits sans m'expliquer pourquoi ni lesquels et avec un bébé cherchant ce que sur le moment j'étais bien incapable de lui donner. 
Les jours qui ont suivis ne furent pas meilleurs, séparée de mon bébé 48 heures pour un séjour en néonatalogie (rien de grave mais quand même, vas-y pour créer le lien) en demande face à un personnel débordé, souvent à la limite de la maltraitance avec des interjections contradictoires à chaque changement de service, il me semble que je n'ai pu retrouver le chemin de la raison, celui de mon corps et du lien indéfectible qui me lie à présent mon fils, qu'une fois rentrée chez moi. 
Il aura fallu plusieurs semaines pour que je cesse de pleurer, de m'en vouloir, d'en vouloir au personnel de la maternité (même si je leur en veux toujours un peu encore aujourd'hui); il aura fallu plusieurs mois pour que je retrouve le calme et que j'accepte cette cicatrice un peu moche qui décore aujourd'hui mon ventre et il aura fallu tout ce temps pour que je me dise que si c'était arrivé c'était que cela le devait sans doute, que nous étions les deux là, en bonne santé et que cela ne servait à rien de se demander si cela serait arrivé en refusant les produits par exemple ou en refusant d'être allongée sur le dos ou en refusant cette sensation du personnel qui regarde sa montre parce que cela ne va pas assez vite pour leur protocole etc etc... il a fallu ce temps et c'est passé...en quelque sorte.
Aujourd'hui j'ai décidé pour mon deuxième enfant, de me renseigner, (beaucoup, sans doute trop) j'ai décidé de m'y prendre tôt pour avoir une place là où je veux aller et avec les bonnes sages femmes, j'ai pris des décisions. Mais voilà, dans le principe de la "mise au monde" il y a l'impossibilité concrète de tout maitriser et cela m'est vraiment extrêmement difficile à gérer.
La simple idée que je ne vais peut-être pas pouvoir tout gérer me stresse (beaucoup, trop) mais c'est un choix que je fais, pour moi, pour mon corps, mon bébé à venir et mon esprit. C'est aussi un choix que je fais, lequel bien que n'ayant rien d'exceptionnel, va un peu à l'encontre de ce qui se fait habituellement. En fait, pour être plus précise, cela se fait souvent mais souvent en contradiction avec ce que peut préconiser un certain corps médical, Mamounette 54 sur Doctissimo et toute personne estimant qu'elle a le droit de donner son avis sur ce que TU souhaites pour TON corps dans le cadre de TA grossesse. 
En ce sens, décider de tenter de ne pas refaire de césarienne et souhaiter accoucher en maison de naissance sans aucun produit (si le cosmos, mon corps, celui de mon bébé et la chance se mettent d'accord) revient à une prise de position tout aussi féministe que de se battre pour l'égalité salariale. Avec bien évidemment une prise de risque sur la santé un peu plus grande que celle d'utiliser ou non l'écriture inclusive. Car faire ce choix comporte des risques réels, rares mais réels. Bon d'un autre côté, décider de donner la vie comporte aussi pas mal de risques, le fait de décider qu'on ne souhaite pas la donner demande aussi du courage.
Ce que j'essaie d'écrire c'est que quelques soient les choix que l'on faits, ces derniers représentent sans doute des risques mais s'ils sont faits en fonction de nos réflexions et de nos souhaits, c'est qu'ils sont justes pour nous. Peu importe qu'ils n'apparaissent pas comme tel aux yeux des "gens", des "autres" de ceux qui veulent penser, décider à notre place. Chaque femme (et homme et personne non binaire bien sûr mais vous aurez compris d'où je parle) a le droit de décider de ce qui est juste et en accord avec ses souhaits. Que cela soit la méthode d'accouchement ou s'habiller comme elle le souhaite ou suivre un parti, une religion, des pratiques, des idées, des croyances, des peurs...
Le combat du droit des femmes à disposer d'elles mêmes est historique mais toujours bien réel et nécessaire. Nous de devons pas les laisser essayer de nous faire taire ou nous empêcher de continuer les réflexions. Nous de devrions pas non plus nous tirer dans les pattes en nous divisant trop sur des sujets clivants (même si cela semble inévitable). Nous devrions aussi reprendre le chemin de nos corps en nous faisant un peu confiance en arrêtant de nous maltraiter en ayant intégré tous les principes de domination de façon inconsciente. Nous devons sans cesse faire l'effort de déconstruire, c'est un sacré boulot et on a de quoi être un peu fatiguées...
Je ne suis pas certaine d'avoir écrit ce que je souhaitais vraiment mais vous l'aurez compris, ce chemin de réflexion est touffu et entremêlé de différentes branches, quoiqu'il en soit le combat continue... mais je vais aussi appréhender ce mois et demi de grossesse qui reste en espérant que son issue soit le plus en accord possible avec mes souhaits.
Bisous et bonne année les gens* 











1 commentaire:

  1. "Nous devrions aussi reprendre le chemin de nos corps en nous faisant un peu confiance en arrêtant de nous maltraiter" -> so damn right!
    Tu penses bien que ta réflexion a une résonance particulière à J+10; il m'aura fallu (entres autres) une 1ère expérience de parentalité et une 2ème naissance pour me rapprocher enfin de MON cap. Je te souhaite de continuer à suivre ton chemin ces 6 prochaines semaines et les suivantes <3

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