Vous le savez j'aime le cinéma plus que le théâtre, je ne pouvais donc pas passer en ces temps Cannois à côté de ce film vu alors le jour même de sa sortie et pour lequel je trépignais déjà d'avance à chaque lancement.
Je serai donc brève et concise ( si si )
Tout d'abord ce film n'est pas à ressentir dans son immédiateté, il agit sur plusieurs heures après en être sorti; ce qui n'est pas aussi facile qu'il ne pourrait paraître. Il ne s'agit pas non plus de trouver audacieux d'associer à l'écran Robert Pattinson et Juliette Binoche, car ce duo ne dure au final qu'une seule et efficace scène. Ce n'est pas non plus une publicité pour les limousines qu'on aimerait pouvoir louer un soir pour se la péter tels des clubbers ringards à la sortie du Mad ou comme des V.I.P aux commandes de l'économie mondiale. Ce n'est pas non plus un film pour enfants, n'en déplaise aux fans de Twilight.
Ce film ne tord pas le cou aux révoltes adolescentes maladroites par un simple "no future". Ce n'est pas non plus une construction habituelle de Cronenberg.
C'est avant tout une adaptation d'une nouvelle que je n'ai pas lue pour ma part mais que je vais sans doute à présent me procurer. C'est une façon épurée et totalement efficace de vous glacer le sang et le sens.
J'ai tout simplement adoré ce bijou de cinéma.
Froid, violent de façon passive, ce film agit sur notre conscience politique de façon redoutable. Une machine de guerre face à une fin programmée du capitalisme par le truchement du regard de son protagoniste. Jeune héritier d'une famille puissante et aux commandes d'une fortune colossale, ce dernier n'ayant pas prévu la remontée d'une monnaie sur laquelle il avait pourtant parié la chute, ce dernier se retrouve ruiné et roule en une journée jusqu'à sa perte finale, perte que lui même va aider.
Le film fonctionne en deux parties, celle de la limousine et celle en dehors de la voiture blindée; blindée comme une chrysalide, le héros est protégé par cette extension de lui même dans laquelle tout est prévu pour le confort et le travail. Cet espace insonorisé l'isole du bruit du monde, monde qui se précipite d'ailleurs vers sa fin dans l'idée prédominante du capitalisme. Le héros observe en silence sans broncher les émeutes qu'il traverse, cherche à aller chez le coiffeur de son enfance qui d'ailleurs ne sait pas vraiment couper les cheveux. Pretexte pour traverser le chaos, cette coupe de cheveux ne se fera d'ailleurs qu'avec des trous et à moitié.
D'un rythme très lent qui peut être extrêmement pénible pour certains, c'est un film plus bavard qu'actif mais aucun des mots prononcés n'est inutile.Cronenberg fait bosser le spectateur et il faut l'accepter car sans cet accord on risque de passer à côté et de rester sur le bord de la route en regardant passer cette limousine.
Ce film est un échange d'idées, dans lequel les protagonistes ne cessent de s'interroger sur les âges des uns et des autres mais leur énonciation n'apporte rien à part peut-être de constater que l'incompréhesion de l'économie n'attend pas le nombre des années.
L'argent est un rat qui hante ce monde et la structure de nos sociétés est vouée à tomber tout comme au final les idées de gauche qui se battent contre le grand capital. Le prix de cette lutte est parfois trop cher à payer dans un désir d'abolir la monnaie.
Miroir de nombreuses de nos contradictions, ce film est à voir et à revoir et à apprécier sur son effet retard.
Tout comme on ne manque pas d'apprécier l'effet retard de notre cher capitalisme.
La course du temps se poursuit, et ma trentaine avance sans se retourner. Malgré les crèmes chères et les compléments alimentaires qu'aucun druide d'une lointaine époque ne m'envierait, ma carcasse se teinte de ce quotidien rapide et sinueux. Les sillons de peau apparaissent, les envies se marquent là où elles le doivent et conserver une image fraîche me parait aussi difficile que de maintenir en vie une plante verte. Il y a pourtant cette chose dedans dont j'ai déjà parlé maintes et maintes fois. Ce décalage entre les pièces de la mosaïque qui composent la personne que je suis et un ensemble de faits avérés qui forment mon présent; qui au final ne l'est jamais...présent.
J'essaie pourtant de profiter des moments que je vis sans penser à autre chose, mais je peine souvent à y parvenir. C'est comme quand on joue sur une scène de théâtre, on raconte une histoire tout en ayant conscience de la présence du public, il y a une distance qui se crée à l'intérieur de soi, entre ce que l'on vit-joue et ce que l'on pense; enfin c'est plus ou moins comme ça que j'ai toujours envisagé le métier d'acteur et peut-être était-ce une erreur. J'ai souvent l'impression de vivre de la même manière, même si parfois l'immédiat transperce comme un éclair fulgurant. Mais ces moments sont rares et je reste emprisonnée dans ma tête dans laquelle mon cerveau fait des branches avec la pensée.
Il y a pourtant des moments plus propices à d'autres pour "lâcher le robinet à conneries" mais je dois avoir apprivoisé la situation ou la personne pour obtenir la sensation d'être bel et bien là. Alors quoi? encore des lignes de fatigue et d'ennui? Encore?
Non, car si comme le dit Jodorowsky " le futur est une fraude" il me semble que le présent l'est aussi; et c'est sans avoir peur du lieu commun que j'écris ces mots. Peut-être même que le simple fait de penser en est une. Où comment allier une forme d'ésotérisme à une analyse constructiviste totale. Il y a comme un gouffre dans lequel on plonge quand on essaie de regarder attentivement chaque chose vécue, pensée, ressentie; comme un souffle de lucidité qui n'est pas extra. Un vertige. Nous ne faisons qu'essayer de construire une cohérence sur une existence qui ne l'est pas. Nos certitudes ou ce que nous qualifions de " valeurs" ne sont que des traits construits sans cesse mis à mal par le quotidien. Il y a cette douleur diffuse de ne rien savoir de ne rien comprendre mais de tenter de s'accrocher à ce que l'on a décidé de croire; sans quoi toute forme d'existence consciente s'avère impossible.
Ces béquilles prennent toujours différentes formes, les passions ou les raisons; indifféremment elles permettent d'envisager tous les temps de la conjugaison de nos vies et de celles des autres.
Pourtant quand on observe autour de soi, quand on se penche sur les interactions entre les êtres, sur les choix, les siens et ceux des autres...il y a toujours un goût acide qui prend le dessus dans nos cellules. Rien n'est jamais vraiment doux. Même la tendresse peut se faire âpre. Nous nous sommes socialisés de telle sorte que même ce qui grince au dedans peut revêtir une apparence rassurante.
On se contente de tout, on s'habitue à tout et même ce qui nous confère parfois une touche d'originalité ne l'est pas. Nous avons tout mis en place, tout construit pour oublier le vertige de l'ignorance.
Une réponse d'aujourd'hui peut s'avérer fausse le lendemain, comme ça, cruellement et soudainement dénuée de sens. Vidée de toute consistance.
Les relations d'hier qui nous paraissaient reliées à notre bonheur ont aujourd'hui une couleur morne et sans intérêt et ne seront demain qu'une forme de souvenir vague dont on aura choisi quoi retenir exactement au risque de projeter dessus ce qui nous arrange.
Où est donc l'espoir, où trouver la volonté? Ce n'est pas morose ni ennuyeux d'ailleurs que de se poser ces questions. J'ai pour ma part trouvé la joie de l'immédiateté dans ce qui brille, dans les matières que je caresse avec le dos de la main, dans la vulgarisation de l'astronomie, dans la science fiction, dans les photos des autres, dans le cinéma, dans l'écriture et dans les soirées d'improvisation Avracavabrac.
Chacun trouve sa réponse, sa gélule contre le vertige.
On m'a souvent dit que je me posais trop de questions, pourtant je pense sincèrement que tout le monde, d'une manière ou d'une autre expérimente cette sensation de non sens. Il s'agit alors de l'apprivoiser à sa manière et d'en faire un moteur.
Je viens d'énoncer avec maladresse et sans paragraphes définis, une pseudo prise de conscience, un véritable mais terrible lieu commun... mais je m'en fiche.
Certains jours cette sensation d'attendre Godot est simplement plus prégnante et dépend de mon quotidien, lequel il faut le dire est plutôt à marrée basse. Mes pieds se traînent dans la vase comme la cousine bretonne ( encore elle ) allant à la recherche de coquillages. Cette tête en l'air, ne regardant pas où elle marche se coupe, mais continue de chanter à tue-tête. Elle continue de chanter car elle sait que de toute manière, il n'y a ni futur ni passé; seul résiste le moment présent tel qu'elle le défini à l'instant même.
Elle peut rêver, imaginer, attendre, se souvenir; rien n'est certain ou limpide.
Seules ses cellules ont valeur d'existence, le reste n'est que construction. Emportée par la montée des eaux, la cousine bretonne n'est sûre que d'une seule chose:
Hier soir je suis allée voir la nouvelle mise en scène de Guillaume Béguin, "l'épreuve du feu " de l'auteur suédois Magnus Dahlström. Auteur totalement inconnu pour moi, je m'attendais toutefois à une expérience théâtrale éprouvante, car bien que je ne connaissais pas le texte, ce n'est par contre pas le cas du metteur en scène et de ses choix. Alors voilà, à l'issue de ces très longues 2h30 de spectacle, je peux dire ce que j'ai chuchoté à l'oreille du metteur en scène: Guillaume Béguin est pour moi un des plus talentueux metteur en scène de théâtre contemporain et de recherche local.
Ce dernier a en effet une capacité sans limite quand il s'agit de faire travailler un texte, les mots, le sens, et cela se sent à chaque phrase prononcée par les comédiens. Il n'est pas seulement question de faire sonner les consonnes ou d'adoucir les voyelles; non...c'est avant tout des heures et des heures de travail sur la résonance des mots, une résonance de l'intime, cellulaire. Cette dernière est retransmise au spectateur par le comédien-conducteur à la personnalité floue, il est comme un fil de cuivre conduisant cette intimité. Ce travail sur le langage permet donc au metteur en scène d'interroger les textes qu'il choisi comme il ne cesse de s'interroger lui même. Il s'agit d'explorer "l'identité", "l'existence"; une recherche à travers les mots, les comédiens, ce travail; faire résonner l'essence même, cette chose comme un liquide que l'on peine à effleurer en soi. Le flux.
Dans cette pièce suédoise, le flux est sombre, noir, il coule aux côtés du sang conducteur de vie. Les personnages ont tous quelque chose en eux qu'ils vont énoncer, donner à entendre et parfois à subir. Une thérapie de groupe pour une pièce à huis clos, dans laquelle chaque personnage tour à tour va prononcer l'impensable, l'horreur quotidienne, presque vidée du potentiel d'étonnement.
On écoute donc dans des mots triviaux et banals, les récits de la violence, de la maltraitance, de la psychose; de toutes ces choses sombres et mornes qui peuvent surgir en chaque être humain, comme des pustules remplies de pue le long des vaisseaux sanguins. Ces récits sinistres n'ont rien d'étonnant au fond, à moins que la capacité d'illusion sur "l'humain" soit encore intacte chez le spectateur -et là il souffrira vraiment- c'est plutôt leur enchaînement qui est douloureux, comme un doigt dans une plaie.
Les personnages enchaînent donc leurs récits affreux comme si un adolescent découvrant la folie humaine les avait écrits. L'auteur utilise la fascination comme moteur en la mettant en balance par des personnages dont la prise de conscience n'intervient vraiment jamais. Ils racontent, se taisent et n'en sortent pas changés; ils s'excusent les uns les autres même. Une boucle reprend alors à la fin, laissant voir que l'humain est une chose une peu cassée par sa capacité à penser. Les neurones ont parfois des ratées, depuis toujours et pour toujours.
Ce spectacle transporte au sein même de ce flux noir, le spectateur grâce au jeu si juste des comédiens, vogue sur cette eau sombre et ne sait jamais quand il verra la rive. Assister à ce spectacle, c'est accepter d'être dérangé par sa longueur, d'être auditeur de l'horreur, d'être déplacé dans ses illusions, d'accepter de se faire peur ou de souffrir quand soudain pour une raison ou pour une autre, un des récit vient faire résonner quelque chose en nous que l'on aurait préféré ne pas ressentir. C'est aussi parfois accepter de ne plus écouter, de décrocher puis de revenir; de ne pas toujours comprendre où ils veulent en venir tous avec cet objet théâtral. C'est aussi ressortir fatigué, soulagé, bref déplacé...
On ne peut rester indifférent à ce spectacle , on ne peut trouver ça sublime non plus car rien n'est simple.
Guillaume Béguin réussi avec ses comédiens à nous faire intimement ressentir l'ambiguïté humaine, la dualité des liquides composant notre essence. Mention spéciale d'ailleurs à Piera Honeger et Matteo Zimmermann qui m'ont personnellement bluffée dans leurs performances. Les comédiens se battent avec ce liquide et le versent sur le sol sombre; un tapis noir et lumineux réfléchissant ces âmes. Comme une marée noire, le flux est pétrole, il pollue.
L'épreuve du feu se fait donc pour tous, car il suffirait d'une allumette pour tout embraser, seul la fin du spectacle nous permet d'y échapper.
Pour tous ceux qui aiment les mots, le sens, les choses cassées, les bons comédiens, le vrai travail de direction d'acteurs; il faut aller voir ce spectacle. Ne pas hésiter, ne pas avoir peur de sa durée ou de son contenu. Il faut simplement savoir faire le tri dans ce qui nous est donné, un superbe objet théâtral dont le contenu peut déranger mais dont la partition pourrait mener une symphonie.
Tant qu'il y aura des auteurs de cette trempe à découvrir, des metteurs en scène précis et précieux, des comédiens courageux et talentueux , le théâtre résistera à tout et restera un art à part entière, cette résistance est d'ailleurs une urgence.
"L'épreuve du feu" de Magnus Dahlström, mise en scène de Guillaume Béguin, Compagnie de nuit comme de jour; à la maison blanche, production Arsenic jusqu'au 6 mai.
Ces derniers temps je me suis fait la réflexion que rien n'arrivait jamais par hasard... Original non? Évidemment non. La véritable originalité est chose rarissime; et ce qui pourrait éventuellement être original serait de chercher à ne pas l'être. Les rencontres donc... Il y a quelques années alors que je vivais à Saint-Pétersbourg j'ai fait la connaissance d'une fille de mon âge venant de Genève. Très vite nous avons échangé nos pensées et tout ce qui nous tenait à coeur, trop vite sans doute, nous nous en étions rendu compte et elle avait eu cette réflexion amusante et censée. Notre situation d'expatriées avait accéléré cette amitié et elle qualifiait ça "d'amitié du train". Ces personnes que tu rencontres et que tu ne reverras sans doute jamais et avec lesquelles soudainement, la communication et le partage se trouvent bien plus rapides que dans nos vies quotidiennes. J'ai gardé cette expression en tête et l'utilise à présent régulièrement. Elle illustre magnifiquement bien ces rencontres que l'on fait, qui ont la fulgurance d'un feu d'artifice. Elles montent très haut, explosent, et redescendent aussi vite en laissant derrière elles quelques traînées de poudre et de fumée.
S'investir est une chose difficile, on a tendance parfois à le faire trop rapidement et il arrive que le résultat n'en vaille pas la chandelle. D'un autre côté, rencontrer de nouvelles personnes n'est pas évident, alors parfois on force un peu le destin, on va chercher comme on peut à provoquer ces rencontres; mais ces dernières se trouvant alors programmées ont une forme artificielle qu'il est alors quasi impossible de rendre naturelle. On dit aussi qu'il ne faut pas chercher, laisser faire les choses, sourire à la vie, envoyer du positif pour en récolter à son tour... Certes...En théorie je suis bien d'accord, en pratique c'est autre chose, car tout dépend de la capacité d'ouverture que l'on veut bien montrer. Je ne suis pas très douée pour ça, même si j'essaie de m'améliorer avec le temps. Ne pas penser, ne pas anticiper, ne pas montrer, ne rien laisser paraître... être une forme de page blanche sur laquelle l'autre en face puisse projeter, dessiner... et petit à petit être soi par petites touches de peinture, pour ne pas brusquer, pour donner les fondations à la relation. Dans ce schéma, je classe au même niveau les amitiés et les amours car en dehors du rapport charnel, l'apprentissage ou l'apprivoisement est le même.
Rien n'arrive par hasard donc? Non car de toutes ces rencontres, on garde quelque chose, consciemment ou non. Et les provoquer ne sert à rien car on en retire alors plutôt une amertume étrange, comme quelque chose d'irréel qui démange. Avons-nous la possibilité d'influencer notre destin ? Le destin existe-t-il seulement? Il est rassurant de penser que oui, cela permet d'avancer avec la certitude que la vie est juste quoiqu'elle amène. Je n'aime pas trop les certitudes, surtout quand j'estime subjectivement qu'elles sont mal placées. Elles vont à l'encontre de ce que la vie serait censée nous apprendre. De certitudes à "valeurs" il n'y a qu'un pas, que je n'aime pas franchir. Bon il est vrai que j'aime un peu trop décortiquer les choses qui peuvent paraître normales, de même que ces fameuses certitudes chez les autres qui me paraissent toujours un peu douteuses. Et même si je pense souvent avoir tord, j'aime qu'en face l'autre fasse de même, cela permet la discussion. Sinon tout cela est vain, la compréhension impossible, le compromis intolérable et alors cette relation ne sert à rien. Qu'avons nous à gagner à ne pas nous remettre en question? à être des insectes bornés cherchant la sortie à l'aveuglette? Pas grand chose à part ne jamais faire évoluer nos visions de la vie. On dit souvent aussi que l'humain n'apprend rien de son histoire, que l'on répète les mêmes schémas et erreurs et dans une certaine auto-complaisance qui plus est. C'est malheureusement assez vrai. Sommes nous perfectibles? De nouveau je commence à douter. Mais peut-être en commençant par nos propres histoires, pourrait-on peut-être faire évoluer notre cause, nous-même. Car chacun vit pour soi et décide à un moment de partager son chemin avec d'autres. Ces personnes à qui l'on donne notre confiance pour lesquelles on investit la relation sont les personnes que l'on désire garder auprès de nous. Et pour cela, on ne peut rien provoquer, on peut juste parfois avoir à gérer la déception. Mais cette dernière n'est pas obligatoire, la loyauté existe, le lien fort perdure et ne peut être ébranlé par des doutes soudains et inutiles. Ce sont ces relations qui nous apprennent vraiment quelque chose, celles qui restent, les autres ne sont que ces fameuses traînées de fumée après le bouquet final.
Je me rends compte à présent que je n'ai jamais vraiment aimé les feux d'artifices, ils sont de la satisfaction immédiate comme une jeunesse de l'amusement. Les étoiles dont la lumière nous parvient avec des années de retard sont bien plus intéressantes. Elles nous renvoient à notre rien et permettent une auto-réflexion précieuse. Dans nos vies trépidantes, on ne les regarde plus, on ne les voit plus, elles sont étouffées par nos constructions et nos certitudes rassurantes. J'aime d'ailleurs à penser que quand on a achevé notre course du destin, c'est vers elles que l'on retournent comme vers une matrice absolue.
Non rien n'arrive par hasard, et forcer le destin ne sert à rien. Mais ne pas se contenter de certitudes est une chose primordiale et ne pas se décharger sur les autres des conséquences de ses actes en est une autre. Les rencontres sont faites pour nous apprendre qu'une forme de destin existe dans laquelle la liberté n'est au final pas si grande. La liberté est un concept que l'on a inventé pour échapper à cette course qui nous ramènera toujours à l'infiniment petit de nos existences au regard de l'infiniment grande matrice que sont les étoiles dont nous sommes peut-être issus.
Ce soir je suis allée voir un spectacle de danse dans le cadre du festival "les Printemps de Sévelin".
Le titre me paraissait prometteur, "The rebellion of the silent sheep", un titre qui vend du rêve et qui n'était pas sans me rappeler la nouvelle de Philip K. Dick " Do androids dream of electric sheep" ( nouvelle à l'origine de Blade Runner, un de mes films préféré )... Ceci étant dit, je peux à présent aller plus loin; ou du moins essayer. Essayer car vendre du rêve à base de moutons ne suffit pas; je m'explique.
Le spectateur est placé devant une boîte noire dite intimiste, des rideaux noirs élaguant la scène, le programme parle d'ailleurs de scénographie et à l'heure qu'il est je la cherche encore. Devant nous interviennent trois danseurs et un musicien. Oui car j'ai déjà dit qu'il s'agissait d'un spectacle de danse, enfin je crois car là aussi je ne l'ai pas vu. Heureusement que le musicien joue sur des instruments, sinon je me demanderais encore s'il y en avait...de la musique...
Pour résumer, j'ai assisté à une performance velléitaire cherchant à tirer de la musique des corps, de la danse des voix, des rires du spectateur et même quelques larmes. Bon, vous l'aurez compris, je n'ai pas aimé.
La chorégraphe tente apparemment d'amener le spectateur à l'idée de la solitude en société, de la complaisance de la tristesse, du désir inassouvi et des envies manquées. Pour ça les interprètes bougent un peu, chante un peu et font du ukulélé. J'ai d'abord eu un haut le cœur quant au manque de signes.
Les costumes par exemple, ah non il n'y en a pas. Au départ je voulais appeler cet article "la rébellion des chaussettes bariolées" mais comme ils les enlèvent au bout de cinq minutes, ça n'aurait pas fonctionné. J'ai eu l'impression de me retrouver un dimanche d'ennui dans le salon des interprètes, comme eux, avec un t-shirt informe et terne sur un leggings qui marque bien la culotte. Ma première réaction fut de me dire que c'était fait exprès et qu'ils tentaient par là de signifier quelque chose, sans doute est-ce le cas, mais j'ai dû passer à côté ou j'ai simplement oublié cette idée. Comme si j'avais absolument voulu expliquer cette morne plaine qui se voulait spectaculaire.
L’absence de signes signifiants ne s'arrête pas là, tout est esquissé, rien n'est vraiment assumé, les filles chantent mal, bougent sans grâce, sans fondation...aucun artifice, comme une adolescence boutonneuse sans Clearasil.
Car au fond tout le problème est là; comme si l'instigatrice de ce spectacle avait voulu nous dire que la vie est dure, qu'on est tout seul même entouré, qu'on pleurniche sur le grand amour qu'on n'aura jamais, sur les rêves estompés et qu'il est dur de vivre en Suisse où tout est si calme dans la prairie des moutons silencieux.
Waouh quelle découverte! Merci Madame Jessica Huber pour tant de consistance. Je crois pourtant malgré mon ironie crasse être passée à autre chose. Je ne suis sans doute pas le public cible de votre spectacle, car je suis moins naïve. Mais vous non plus pourtant...
Suis-je totalement passée à côté? possible car le spectacle a beaucoup plu, j'en ai pour témoins tous les commentaires dithyrambiques entendus entre les toilettes et le bar.
Alors je ne sais pas, est-ce que j'en reviens toujours aux mêmes questions? Aurais-je pris de l'âge...oui évidemment, mais je crois surtout que je n'ai plus envie que l'on me raconte la difficulté "d'être" avec condescendance. L'adolescence une fois passée ne manque pas, ou rarement , laissons là derrière.
Il s'agit pourtant d'une période de construction faite de doutes et d'erreurs, de larmes, de désirs débordants et d'attentes. Et ces choses là, nous en sommes victimes à chaque période de notre vie mais au fur et à mesure que l'on avance, on gère tout ça différemment et les claques dans la gueule viennent contrebalancer notre spleen.
Le but de la chorégraphe n'était sans doute pas de parler de l'adolescence, il s'agissait sans doute d'une volonté de raconter des choses intimes et vaguement déprimées. Comme une mouche cherchant à sortir mais se tapant contre la vitre. Il n'y a rien de spectaculaire dans ce spectacle, pas de construction dramaturgique, peu de recherche corporelle et encore moins de recherche esthétique.
Alors voilà, c'était le but? ah bon alors la prochaine fois je resterai chez moi devant mon miroir je composerai une chanson en tapant sur mes cuisses avec des paroles tristes mais pas trop (car la tristesse serait un luxe selon ce spectacle) et le tout en pyjama.
Je crois sincèrement que je n'aime pas ces nouvelles formes scéniques qui ne veulent plus l'être, où la théâtralité est niée, le spectaculaire refoulé, où tout est bout de ficelle et de scotch low budget.
Nos vies ne sont pas low cost, les histoires que l'on peut raconter ne sont pas faites seulement d'ennui; Sofia Coppola , elle par contre, le fait très bien mais avec plus d'argent et incontestablement, de talent.
Avoir la trentaine ce n'est pas seulement se dire que l'on n'a plus de rêves et qu'on attend la fin en s'occupant comme on peut ( je cite ici le spectacle). La vie ne s'arrête pas à trente ans, elle continue seulement. Et quand bien même j'écoute toujours avec une émotion intacte les morceaux de Nirvana, pour rien au monde je n'aimerais me retrouver à nouveau à pogoter en chemise à carreaux.
Ce spectacle m'a fâchée mais c'est venu plus tard, en sortant j'ai juste constaté que je n'avais pas aimé.
Mais à présent en écrivant ces lignes, je me rends compte que je ne suis pas du tout intéressée par son absence de propos, j'ai juste envie de dire "Ah bon? et puis?"
Oui les illusions adolescentes passent et trépassent, et oui à trente balais on a l'impression qu'une partie de notre existence est derrière et que la petite flamme est morne au dedans. Mais ça change quoi au final? La vie est celle que l'on en fait, les illusions ne disparaissent jamais, elles s'assagissent seulement. La capacité d'émerveillement reste intacte si on le décide, elle est toujours là, inébranlable, parfois un peu enfouie certes, mais bel et bien là. Je trouve déplacé de se plaindre de ça, qui plus est sur une scène. Car si je souhaite le faire, je ne le monte pas en non-spectacle, j'attends que ça passe en écoutant "Lithium".
Un seul moment par contre fut splendide ce soir, au beau milieu du spectacle, comme si de rien, le danseur en paillettes qui fait des claquettes. Des minutes suspendues, poétiques et soudainement pleines de sens. Étrange. Pourquoi placer ça de cette manière? Je ne sais pas, mais à lui seul, ce moment m'a fait oublier tout le reste et rien que pour ça, je suis heureuse d'être allée à Sévelin ce soir.
C'est d'ailleurs toujours le cas, et cette année les Printemps ont mis les petits plats dans les grands. Une programmation riche et dense, un travail de communication très efficace, une vraie visibilité et donner une vraie envie d'aller voir de la danse contemporaine. Ce n'est pas donné à tout le monde dans ce milieu. Alors si vous croisez le programme n'hésitez pas à pousser la curiosité pour vous y rendre, car heureusement pour vous je ne serai pas derrière votre oreille à chuchoter "pfff c'est mauvais.." bien que cela soit loin d'être régulièrement le cas. Ce spectacle là est une exception pour moi, le premier que je n'aime pas dans ce que j'ai vu là bas. C'est une très bonne chose au final car j'ai hâte d'y retourner pour voir un spectacle à aimer et pouvoir le partager.
Il y a peu de temps, j'écrivais que je ne pensais pas que le calme et le sourire soient un jour à ma portée. Je continue malgré les imprévus de nos existences à être surprise par mon nouveau sang froid. Il m'aura pourtant fallu des années avant de pouvoir prendre conscience de cette capacité qui devait sans doute être enfouie en moi sous des couches primales que j'ai apprises à apprivoiser. Cela ne m'empêche pas malgré tout d'être démontée par ce que le quotidien réserve. Pourtant cette rage est mise en balance par une espèce de raison qui vient peut-être du bénéfice de l'âge ou de l'expérience. Quoiqu'il en soit je constate ces derniers temps la difficulté de faire confiance à mes instincts, la capacité dommage que j'ai de les mettre en doute alors qu'il me faudrait plutôt apprendre à les respecter sans les prendre pour ce qu'ils ne sont pas, des sur-interprétations d'indices.
Avoir confiance en soi est chose ardue, faire confiance aux autres est encore plus laborieux. Cependant, chaque matin, l'image que l'on a de soi est mise à l'épreuve par l'interaction inévitable entre soi et les autres, entre soi et ce que la société demande, sous tend, impose. Nous sommes tous des êtres fragiles avec des fêlures, des historiques compliquées, des désirs inassouvis, des peurs, des certitudes et des lucidités inégales. Chaque jour, le moteur qui nous pousse à suivre nos routes est fait de rouages différents. On peut s'appuyer sur notre vie professionnelle, nos relations et notre recherche perpétuelle de rétributions, réelles ou symboliques et pourtant, toutes ces pièces qui doivent construire l'image que l'on renvoie n'ont pas forcément le même impact sur celle que l'on voit de nous dans le miroir. Nous portons nos masques, nous avançons, nous arrêtons pour regarder un moment en arrière et certaines rencontres nous font parfois regarder en avant. Se construire prend une existence entière, c'est une chose admise. Le sentiment d'accomplissement est rare, les défis sont permanents et on ne peut sans doute compter que sur soi-même.
Certaines personnes parfois viennent compléter notre puzzle interne, elles nous permettent d'apprendre sur nous et nous changent de façon à ce que l'on se connaisse mieux. Elles agissent comme ce fameux miroir. Ces personnes qu'on laisse entrer dans nos vies sont celles à qui on accorde notre confiance, donne parfois notre cœur de manière irraisonnée, notre amitié sincère et auxquelles quand une parole est donnée, on attend qu'elle soit respectée, écoutée et non mise en doute. Mais voilà, l'autre en face nous est similaire et aussi proche qu'il puisse l'être, le manque de confiance peut faire des ravages et venir ruiner ce qui était à la base totalement sincère. Quand on donne notre parole et qu'elle est remise en question, la confiance s'émiette, celle que l'on a donnée à l'autre et celle que l'on a en soi. On se demande ce que l'on a fait de faux. Et si tant est que l'on réfléchisse un peu sur soi, on est conscient de nos faiblesses et de ce qui peut fâcher ou tendre. Toutefois, une confiance émiettée est très difficile à réparer. On tente comme on peut, on met des bouts de scotch, mais revenir au point zéro semble impossible.
Bien sûr tout le monde n'est pas aussi droit dans ses positions, et parfois on croise la route de gens qui sans scrupules mentent, trahissent et maltraitent les autres en manipulant les situations et les faiblesses des autres avec talent. Nous sommes tous d'ailleurs un peu comme ça, si on a été blessé auparavant, on se défend au présent avec des armes lourdes ou légères.
Nos existences relationnelles sont comme des guerres, faites de stratégies, de discours, d'actions et de coups bas. Mais au final quand on se retrouve face à son miroir, notre confiance est toujours ébranlée et il faut du courage pour retrouver un semblant d'équilibre de notre image. C'est pour ceci je pense que l'on accorde tant d'importance aux relations honnêtes et droites ou simplement cohérentes. Sans ses dernières nous serions bien seuls. Elles existent bel et bien. Et même si j'ai tendance à penser que l'humain n'agit que dans son intérêt propre, ce dernier est pourtant capable de sentiment bon et de douceur à l'égard d'autrui et parfois même à l'égard de lui. Ma vision du monde peut paraître dure et intransigeante mais au final il ne s'agit que de protection. Les blessures infligées lorsque ma parole est mise en doute ou que mon don ne m'est pas retourné, sont des plaies qui me sont difficiles à soigner.
Chacun sa sensibilité. La mienne est grande et voilà pourquoi je suis froide et souvent désagréable. Je n'aime pas les autres et pourtant je les adore car ils m'apprennent chaque jour à me défendre d'avantage et à rester sur mes gardes. Ce qui est triste avec tout ceci, c'est que d'une certaine manière, plus le temps passe et moins je crois en l'abandon de soi.
Je ne crois pas pourtant avoir une vision si négative mais je pense sincèrement que l'on ne peut pas aimer tout le monde, qu'un sourire ne suffit pas, que les méfiances sont saines, que l'on doit écouter nos entrailles et que nous ne sommes que des animaux aux instincts enfouis. Nous devons survivre face aux autres et face à nous même.
Cependant nous sommes faits de contradictions multiples, et quand soudainement on sent que l'on peut s'abandonner, c'est en oubliant tout ce qui est dit précédemment qu'on le fait. Et c'est une sorte de joie douce et tendre. On trouve cela dans l'amitié, certaines très rares relations amoureuses, dans certaines familles et avec des personnes qui semblent indispensables à notre équilibre. Il est compliqué alors de ne pas décevoir, de ne pas gâcher, le doute est là, toujours, vaillant ou sournois il attend; quand il fait surface il peut faire des ravages. Il faut alors choisir de s'envoler vers une sorte de légèreté, elle permet de respirer mieux, du moins c'est ce que je crois; et c'est après ça seulement que l'on peut avoir la volonté de réparer, de laisser tomber les peurs et de nouveau avancer.
Nos vies sont faites de tout ça et c'est ce tout qui les rend si intéressantes. Devoir chaque jour apprendre un peu plus sur soi sans jamais se laisser aller aux certitudes, en mettant en parallèle le regard de l'expérience avec celui de l'enfant encore capable d'émerveillement.
Une soirée tranquille, de la musique, des clopes ( faut vraiment que j'arrête), des idées? Je ne sais pas peut-être... Encore et toujours prise dans le tourbillon du quotidien. Ecrire une fois par mois devient le but de mon arbre mental. Encore et toujours des mots sur ces journées, plus de films, plus le temps, plus de sport, plus le temps; à peine des moments décrochés en dehors de cet arrêt de la pensée. Je fonce sans me retourner, évaporée parfois, solide dans le chemin des traits de crayon sur le bloc notes. Des questions pourtant, dont les réponses traversent les neurones et repartent comme une buée. Sans fondations, elles se transforment en flocons, en cristaux et je les regarde sur la vitre de mon esprit en les laissant filer vers un printemps certain. L'expérience du calme et du sourire est une chose précieuse que je ne pensais pas trouver à ma portée. Evidemment tout ne se fait pas sans tensions. Il y a des situations, des discussions, des rencontres qui crispent, tendent, comme une décharge électrique, un éclair de sensation désagréable mais cela ne reste pas. Les orages sont passagers comme en été. Je n'ai rien à dire mais j'essaie, c'est ennuyeux sans doute. Je m'auto-ennuie parfois avec ma contemplation interne nombriliste. J'imagine donc bien ennuyer les autres... peu importe. Je ne vois pas plus loin que le lendemain ou du moins j'essaie. Je fais des projets à court terme. Je prends conscience de l'immédiat car je n'ai pas le choix et ça me change. Et je fais de la prose de bas étage.
Voilà une longue introduction sur pas grand-chose, sur ma propre vapeur. Les changements de 2012 continuent, les accidents sont légers et les angoisses qui peuvent survenir ne restent pas, ou du moins pas pour l'instant. Je fais l'expérience de la relation que j'avais oubliée et de la fatigue du travail que je découvre. Tout est normal au final. Cette normalité est douce.
La semaine dernière je suis allée à un enterrement dans ma famille. C'était triste, les choses de la vie. Mais qu'une messe peut être ennuyeuse! aussi triste que soit la situation, est-on obligé de se prêter à ce spectacle ? Il y avait tout le village présent avec la figure conséquente, un curé qui a enchaîné des poncifs et des chants terriblement faux... et nous on disait au revoir de façon intérieure et sans doute nous étions plusieurs à attendre que cela cesse. Pour ceux qui avaient envie de rendre un hommage public, c'est une bonne chose sans doute, cela permet d'entamer le deuil en quelque sorte. Pourtant dans cette mise en scène ( nécessaire peut-être ) il faut voir les ficelles et les rouages, le scotch du peintre. On allume une bougie, on allume l'encens, on décore le cercueil, on sert des mains, on lit des mots de la bible qui font grincer les dents ( les miennes en tout cas ) on regarde les autres pleurer ( quand nous on ne peut pas pleurer ) on regarde les vitraux... et on se dit à quoi bon... Au cimetière, il y a ce trou ouvert et béant où reposent déjà d'autre membres de la famille, on les cherche du regard mais on ne voit que la terre qui recouvre les autres cercueils. C'est bête à dire mais c'est drôlement paisible un cimetière, j'ai même trouvé certaines tombes très bien faites avec des couleurs et des pierres tombales originales... incapable de me concentrer sur autre chose que ce qui m'entourait en écoutant les chuchotements des gens... "C'est qui cette fille? ah mais c'est la fille du fils qui vient de Divonne...ouh là là comme elle lui ressemble c'est dingue... c'est quoi son prénom, ah ben je l'avais jamais vue"
Je suis un peu anesthésiée depuis la semaine dernière. Derrière les fenêtres de la voiture qui me ramenait chez moi, j'observais le paysage ensoleillé que je connais si bien, celui des Dombes, avec ses étangs , ses arbres, ses oiseaux de toutes sortes, ses villages mornes et je me suis dit qu'une partie de mes gênes venaient de cet endroit et cela m'a aidé à comprendre pourquoi je me sentais vide avec des sensations en gouttes d'eau. J'ai intégré tout ça, ma pensée comme des branches d'arbres qui se gèlent quand les sentiments sont trop forts. Je ne comprends pas toujours ce vide du dedans. Il y a toujours trop de pensées pour ressentir vraiment. Un trou béant recouvert de la terre génétique.
Je n'ai jamais vraiment compris le lien familial en dehors de celui qui m'est évident et indispensable. Il y a aussi celui que j'invente avec ceux qui me sont chers. Et il y a celui qui m'a été donné par filiation, celui qui parfois m'échappe, au risque de heurter les membres de ma famille qui me liront. Ce n'est pas que je n'ai pas de sentiments mais ils se perdent dans cette terre brassée par nos vies. Je regarde ces autres avec lesquels je partage des informations génétiques et malgré certaines évidences ils me paraissent parfois si loin de moi. Et dans ces moments forts ils me sont proches. Il y a ambivalence, multiplicité du sentiment et ce surplus d'informations vient annuler le tout. L'addition des sensations qui se concentre en une seule goutte d'eau au milieu d'un étang des Dombes.
Le lendemain pourtant, l'information est traitée, mais pas digérée pour autant, elle met du temps. Elle place un nouveau bourgeon sur la branche qui laissera place à une pousse d'idée ou de ressenti.
Ou comment expliquer par une métaphore peu originale quelque chose de simple et qui nous constitue tous. Je tourne en rond, j'ai juste envie de chanter le générique de mon enfance" c'est l'histoire de la vie!!"
J'arrive au bout de mon article, je regarde la vapeur de la nuit derrière ma fenêtre et je souris en repensant à cet autre générique " l'aventure des plantes". Rien ne peut entamer l'espoir que je ressentais quand j'entendais cette musique alors que je ne comprenais pas le sens de tout ça. J'en avais un pressentiment sans doute, celui que j'allais aimer certaines personnes et d'autres pas. C'est cette possibilité du choix qui fait que je ne crois pas à la fatalité, laquelle pourtant nous reviens toujours en pleine figure quand on doit traiter en famille l'information de notre propre fin. Dans ces moments je me sens comme un héron sur un étang des Dombes, je m'envole pour voir si la terre est plus fertile un peu plus loin, un peu plus humide et propre à la vie.