Alors que les
blouses blanches avaient décidé que nos machines internes ne pourraient pas
naturellement donner la vie, la vie elle même, justement, en a décidé autrement.
Je préviens, je jette la première pierre à celle ou celui qui me dira que c’est parce
que nous avions cessé d’y penser que c’est venu tout seul. Je ne suis pas très
adepte de la pensée magique, ou du moins plus depuis que je ne crois plus
vraiment aux licornes ; même si ces dernières se promènent régulièrement
dans mon espace mental dans la forêt de quartz.
Non, nous avons eu une chance
de dingue, c’est la seule chose à laquelle j’ai envie de croire.
Un mois avant notre rendez-vous au centre d’aide à la
procréation médicalement assistée, et inutile de vous dire qu'on ne faisait que ça, y penser, j’ai donc découvert que si tout se passait
bien, nous n’aurions plus besoin d’y aller.
Stupeur et tremblements, larmes de joie et mine incrédule,
ce n’est qu’au résultat de la prise de sang que je me suis mise à y croire. Je
venais d’ailleurs de poster un coup de gueule de texte sur le sujet, c’est bête mais je
me sentais du coup un peu conne…
Le côté miraculeux de cet évènement a fait que jusqu’à la
13ème semaine, j’osais à peine bouger et surtout j'avais du mal à vraiment m'autoriser d'être heureuse et à y croire réellement.
Me voilà aujourd’hui à la semaine 26 (parce que oui on
compte en semaines ) et j’oscille encore entre un émerveillement légèrement niais
et une humeur de pit bull en colère.
Premier constat, être enceinte ça fait mal, un peu
partout, tout le temps. Celle qui me dira le contraire a de la chance mais
comme elle va m’énerver, je préfère qu’elle s’abstienne.
Ouais parce que ces douleurs censées être pour la bonne
cause, et bien elle m’agacent . Personne ne souhaite avoir mal au dos ou aux
jambes en permanence pour ladite « bonne cause ». Après bien évidemment,
au premier coup de pied de bébé dans le ventre, le côté Alien est vite oublié
au profit de l’explosion de paillettes de joie . Mais ce n’est pas une raison. Et puis si je ne me plains pas, ce n'est pas tout à fait moi, j'ai un certain niveau d'agacement à tenir pour remplir correctement mon personnage social.
Parlons-en d'ailleurs du côté social de la grossesse; c'est tout aussi fatiguant que l'état en lui même. Tout le monde, je dis bien absolument tout le monde a un avis sur la question, de la même manière que ceux qui s'improvisent économistes avec un avis sur la crise grecque, la grossesse déclenche des réactions en chaîne assez inattendues autant qu'aberrantes. Il y a tant d'injonctions sur le sujet que c'est à se sentir indigne avant même d'être concrètement parent.
Dans le désordre, on trouve les amis et parents qui te veulent tant de bien qu'ils tendent à l'ingérence, ceux qui du jour au lendemain disparaissent, morts de trouille devant autant de démonstration de vie (et qui te manquent) ceux qui deviennent soudainement tes amis comme par magie, ceux qui n'appellent plus, ceux qui appellent trop, les normaux avec un dosage sain et réfléchi (merci), les collègues de travail qui te demandent quand tu vas être en arrêt, ton médecin qui ne se le demande pas une seconde alors que tu en rêves et qui, avec la psychologie d'un caillou hausse les épaules en te disant, "bah oui avec cette chaleur c'est pas évident et oui la grossesse ça fait mal, surtout à votre âge", la vendeuse du magasin "autour de bébé" qui te dit " mais c'est maintenant que vous vous en occupez ?!" (de commander le matos sans vraiment trop savoir quoi commander), celles et ceux qui te disent " tu devrais faire de l'haptonomie" "du yoga prénatal" "voir une acupunctrice" "consulter une sage femme indépendante" "quoi tu manges de la salade?" "il est énorme ton ventre pour 6 mois" "tu vas allaiter ou pas?" "t'as pris combien de kilos?" " je peux toucher" (c'est déjà bien de demander) et il y a aussi celles et ceux qui s'en foutent....ils sont rares, et parfois j'aurais presque tendance à leur dire merci...sauf quand ils ne me laissent pas de place dans le bus, mon quotidien.
Je reste malgré tout consciente que toutes ces démonstrations sont le résultat de cette aventure qui nous dépasse tous et toutes un peu, qu'il y a énormément de bienveillance derrière cet ensemble de réactions et qu'il serait complètement tordu de ma part de ne pas non plus m'en émouvoir.
Enceinte, on cumule un peu deux états simultanés; une partie souhaite qu'on nous fiche la paix et l'autre qu'on s'occupe de nous, qu'on nous porte un peu car on se sent parfois un peu paumée dans les chapitres de notre propre livre; surtout quand sans s'y attendre on se met à pleurer devant un téléfilm allemand de l'après-midi sur M6...c'est pas facile pour l'égo.
Il y a encore 3 ans en arrière, je ne souhaitais pas devenir maman, je ne disais pas jamais mais je ne disais pas non plus vraiment que je le voulais. Je me trouvais déjà bien incapable de m'occuper de moi correctement et les enfants me faisaient un peu peur; ce qui est d'ailleurs toujours un peu le cas.
Et puis voilà, c'est venu du jour au lendemain en même temps que la plus belle histoire inattendue de ma vie. Quand on nous a annoncé que ce ne serait pas possible ou très fortement improbable, un gouffre s'est ouvert sous nos pieds; mais c'était sans compter sur la chance, et depuis je remercie chaque jour cette dernière, les étoiles et le cosmos, de nous offrir cette aventure.
Au final, je râle pour m'aider à mettre en perspective ce qui ne peut que l'être; nous allons devenir parents d'une poussière d'étoile, nous nous engageons sur ce chemin magique et effrayant et qui demande au final beaucoup de courage. Il est normal et sain je pense, d'avouer qu'on a un peu la trouille, qu'on ne sait pas de quoi cette histoire sera faite et que non, on ne sait pas ce que c'est qu'un maxi cosy ou une gigoteuse ni tout ce marketing nouveau et flippant autour de ce qui est supposé être naturel... Il n'est pas si naturel de voir son corps se transformer autant et aussi rapidement, ni de sentir son humeur si changeante et le regard des autres se modifier au point de se sentir disparaître derrière ce fameux "état". Il n'est pas non plus si naturel de constater que le processus de parentalité change le rapport à ses propres parents, on se sent encore plus loin d'eux avec l'appréhension de devenir les mêmes; et en même temps on les admire de nous avoir portés jusque là.
Il me semble que rarement dans ma vie, j'ai été confrontée à tant de contradictions. Sans doute le fait que je me pose énormément et constamment des questions n'améliore pas le processus, sans doute il existe des personnes pour qui ce passage de vie est plus simple ou simplement plus doux, peut-être surtout plus "naturel".
J'ai parfois l'impression de devoir sauter dans le vide un peu à chaque minute respirée et je me demande surtout comment je vais devenir maman, quel type vais-je être, si je saurai m'occuper de ce petit bout avec un peu d'assurance.
En attendant, j'enfile mes Birkenstock dorées et laisse filer les semaines d'un été incroyable jusqu'à cet automne qui va être débordant de nouveauté.
Nous sommes heureux, et ne pouvons que dire merci à ce petit Big Bang personnel.