Je ne sais pas vous mais personnellement, j’ai atteint un point de déprime qui me dépasse.
Vous me direz que c’est peut-être normal après quasi 2 mois entiers à ne rien pouvoir faire à part rester chez soi. Certes, mais le truc c’est qu’au fond, devoir rester chez moi ne m’a pas particulièrement dérangée. J’aime bien rester chez moi et j’aime assez ne pas devoir être en contact avec trop de monde. Je n’ai jamais été la personne la plus à l’aise qui soit en « société »
J’ai aussi travaillé comme d’habitude, la seule différence étant l’absence de déplacements. J’ai même pu exercer mon job avec une presque plus grande facilité que d’habitude. J’ai aimé le « télétravail » (ce mot me rappellera à jamais le mot Minitel, ne me demandez pas, je ne sais pas pourquoi).
Evidemment, il y a eu les enfants à la maison non stop, pas évident de gérer, mais j’ai aussi eu la chance que mon conjoint ne travaille pas pendant cette période et s’en occupe.
Donc en réalité, ce n’est pas ces quelques semaines qui m’amènent à cet état, non. C’est plutôt le présent et le demain. La « reprise » dans cette dite nouvelle normalité. C’est le fait qu’après toutes ces semaines sans réelles disputes domestiques, ces dernières apparaissent. C’est le fait de devoir retourner en « déplacements » de remettre les enfants à la garderie mais pas encore complètement car pas possible autrement, c’est le fait que malgré tout, les frontières restent fermées et que je ne peux pas voir, même à deux mètres de distance, ni ma mère, ni mon père ni mon frère.
C’est cette sensation que tout a changé sans que rien n’ait bougé. C’est cette course en avant malgré le flou sanitaire. Certes les chiffres sont là, les cas sont plus rares, les services hospitaliers pas saturés, « Il faut apprendre à vivre avec ce virus » reprendre nos vies là où elles en étaient, comme avant, faire repartir la consommation, laisser les grandes entreprises ayant touché le chômage partiel malgré tout inonder de dividendes leurs actionnaires, faire comme avant mais avec les gestes barrières.
Nous sommes fragiles décidément, en Occident. Enfin je me sens fragile, je nous sens fébriles.
Pas tous vraisemblablement puisque des andouilles ont manifesté aujourd’hui à Berne contre la « tyrannie sanitaire » actuelle. Ces mêmes andouilles avec des pancartes dénonçant le complot mondial orchestré par des puissants (on ne sait pas très bien lesquels mais en tout cas Gates et l’OMS) visant à réduire les libertés des peuples et souhaitant les dominer par des vaccins ou un truc comme ça, je ne sais plus.
J’avoue que les thèses des andouilles du grand complot se mélangent toutes un peu mais reviennent toutes un peu au même endroit. Sous prétexte de conserver sa liberté en TOUT, elles rejoignent gaiement les idées de l’alt right et de la sélection naturelle, de bien belles pensées en sommes, humanistes et tout et généreuses hum.. qui se tirent une balle dans le pied, sans doute. Enfin, l’idée au bout c’est que cette pandémie n’existe pas vraiment et que c’est en fait un arbre qui cache une forêt de méchants qui veulent notre perte.
Alors je ne prétends pas que le monde est rose, bien au contraire. Je ne prétends pas qu’il est inutile pour le corps de manger sain. Je ne dis pas que Bill Gates n’est qu’un gentil philanthrope. Je ne dis pas que l’on ne nous ment pas. En fait je ne dis rien, j’observe, j’accumule et je m’énerve.
J’ai sans doute aussi envie d’avoir raison. Mais ce qui me gonfle par dessus tout chez les complotistes et les illuminés de la pacha mama, c’est leur tendance à s’imaginer être des lanceurs d’alertes, être des découvreurs de grandes machinations sur youtube et s’imaginer être des personnes humbles et aimant leur prochain contrairement à tous les méchants gouvernements. Ce qui me dégoute chez eux, c’est leur refus de la politique et du politique, leur tendance à prêcher la sélection naturelle du meilleur système immunitaire face au gentil virus, leur tendance à se croire au dessus des autres car ayant compris le grand mécanisme.
Quel orgueil, quel égocentrisme dégueulasse. Les personnes dogmatiques m’emmerdent, elles me foutent la nausée. Et le pire, c’est que leurs convictions sont impossibles à déconstruire.
Elles sont d’autant plus renforcées par l’inondation d’articles, vidéos, publications en tout genre sur nos si chers réseaux; et elles sont souvent issues d’une simple envie d’aller mieux, c’est ça le pire. Oui ça me désole.
Qui suis-je pour parler me direz-vous peut-être, bah personne. Si vous me lisez de temps en temps, vous savez que je n’ai pas de prétention particulière. J’aime juste écrire ce qui me passe par la tête, j’en ai besoin. C’est un avis, et c’est le mien, ce qui fait en soi que j’ai forcément tort. Si on pouvait à la base toutes et tous partir de ce constat, ce serait peut-être pas mal.
Le monde serait de nouveau un monde qui doute, avec parfois des prises de décisions pas toujours bonnes, mais le doute serait permis. Cela insufflerait le besoin de penser à long terme, cela donnerait l’occasion d’interroger vraiment les opinions et en temps d’urgence, d’essayer, de se planter et de faire avec.
C’est peut-être cette situation d’urgence que l’on vit maintenant. Les pays ont été un peu cons, pas de réserves de masques suffisantes, pas d’anticipation quant à une pandémie pareille, pas de fonds pour la recherche en prévision, démantèlement des hôpitaux publics, privatisation de la santé, économie libérale par dessus tout, point d’ancrage de notre monde globalisé et sans pitié.
Problème, réaction, débat dans la société, grosse roue libre pour pas mal de monde, surtout en France d’ailleurs et aux Etats-Unis. On fait avec ce qu’on a. En Suisse, on a Alain Berset et Thomas Wiesel, Darius Rochebin et le Pr Pittet, on s’en sort plutôt bien.
Dans deux dodos, on recommence comme avant mais pas vraiment; il parait.
Je suis déprimée comme jamais. J’ai envie de rester la tête sous la couette jusqu’en 2021. J’ai le désir de bataille dans les chaussettes et on attend de moi que j’y foute à nouveau, comme avant mais avec un masque et du gel hydroalcoolique.
Je n’ai pas eu le covid-19. Je connais plusieurs personnes qui semblent l’avoir eu, elles n’ont pas été testées et n’en sont donc pas forcément sures. Leurs descriptions ne donnent pas du tout envie. Je n’ai pas du tout envie de tester mon système immunitaire sur cette maladie. Je n’ai pas envie de tester le système immunitaire de mes enfants et de mon conjoint sur cette maladie. Sur personne d’ailleurs. J’aimerais que ce virus disparaisse. Je suis dégoutée de pouvoir (devoir) retourner travailler (même si j’aime bien mon job) payer, consommer mais de ne pas pouvoir voir mes parents. Je suis inquiète pour mes enfants à cause des derniers articles sur cette maladie inflammatoire mystérieuse qui touche les mômes et qui semble être en lien avec le covid-19.
Je suis une flippée de nature, qui a du mal à accepter ce que l’on nous demande d’accepter. Je me suis semi-confinée sagement, je me semi-déconfine avec la mine déconfite et le moral aux antipodes de ce que l’on attend de moi.
J’aimerais partir dans le Vercors pour y faire du pain au levain. Je ne sais pas faire de levain et pas de pain non plus d’ailleurs, je n’ai pas eu le temps d’essayer, c’est con.
Mon conjoint me met en garde sur mes envies de tout plaquer pour partir au vert, la voix de la raison helvétique. Mais il est sans doute dans le juste. Les grandes envies s’écraseront sur le mur de l’économie, sur le mur des impératifs de devoir se faire une raison. Et puis le système de santé dans le Vercors d’abord? J’avoue que je n’y ai pas pensé. Ni à la France et à son bordel (que j’aime tant).
Oui les grandes envies de changement, de ne pas repartir dans « l’anormalité », toutes ces belles envolées retomberont vite, comme les prix d’un voyage en Easy Jet.
Que celui ou celle qui ne se payera pas de vacances en avion dès qu’il ou elle le pourra à nouveau en étant safe, lève la main et me jette un masque FFP2. Je ne le croirai de toute façon pas.
Il n’y a pas de réelle volonté d’imaginer un changement de paradigme. On peut l’aborder entre convaincu-es, cela ne changera rien. Il suffit de regarder The Walking Dead pour s’en convaincre (quelle idée j’ai eue que de passer mon semi-confinement avec cette série en carton…)
Oui je sais, mon esprit aussi est en roue libre, je n’arrive pas à m’arrêter. Même quand je parviens à trouver le sommeil, mes rêves sont étranges. Je ne sais même pas quoi répondre à mon fils de 4 ans qui me demande si la maladie est finie dehors car il retourne à la garderie la semaine prochaine. En même temps que répondre?
Non mon chat, ce n’est pas fini, mais c’est moins pire, donc on retourne dehors et on croise les doigts.
Et comme il n’a rien à envier au Pr Raoult niveau méthodologie, ce dernier me répond comme à chaque fois, que le Père Noël viendra emmener la maladie avec lui à Noël et qu’en attendant il faut manger du chocolat. Mais Vadim, mon fils, lui, n’en fait pas tout un foin sur BFM TV.
Je ne sais pas vous mais personnellement j’ai atteint un point de déprime, je le répète, qui me dépasse.
Je me sens saturée, aucun de mes mots ne pourra cette nuit, y remédier.
Malgré tout, j’espère sincèrement que nous ressortirons de cette grande épreuve commune en étant un peu moins, un peu plus, un peu autres. Si possible pas pires.
Et là tout de suite, j’ai les paroles d’une chanson de Céline Dion dans la tête (oui je sais mais j’ai passé 40 piges alors je m’en fous)
« On ne change pas
On met juste les costumes d'autres sur soi
On ne change pas
Une veste ne cache qu'un peu de ce qu'on voit
On ne grandit pas
On pousse un peu, tout juste
Le temps d'un rêve, d'un songe
Et les toucher du doigt… » etc…
Cette période c’est peut-être après tout seulement un mauvais film de Xavier Dolan et un concert de Céline Dion au Paléo annulé… et aussi mes billets reportés pour le live de Kraftwerk où je devais aller la semaine prochaine. C’est juste la vie d’avant, un peu reportée à après.
Essayons seulement peut-être à deux dodos de tout reprendre, de ne pas tout reprendre en pire.
Chiche on essaie? Aller, juste un peu…
Prenez-soin de vous, bisous de loin et de ma déprime.