Voilà bien longtemps que je n'avais pas laissé les mots se bousculer pour faire un texte. Mais voilà il y a des périodes où tout se précipite et prendre le temps de faire le tri paraît être un luxe qu'on ne peut pas prendre. Pour ne surtout pas faire court, ses deux dernières semaines ont été particulièrement encombrées voire "Hardcore. L'endroit où je travaillais est le théâtre d'une tragédie grecque depuis plusieurs mois, et il y a deux semaines de ça, l'intrigue a atteint son paroxysme tragique et dans une telle situation même Freud en aurait perdu son latin (ou son grec). Il a donc fallu réagir, gérer, entourer, protéger; tous les personnages de l'histoire se sont retrouvés dans un véritable "boot camp" quasi syndicaliste pour les uns, wagnérien pour les autres. Si notre Pologne a été envahie, la guerre n'est pas terminée et la pièce n'a pas fini de dérouler ses actes qui s'écrivent au jour le jour. Pour quelques uns d'entre nous la pièce est achevée, mais pour les personnages principaux le dénouement paraît encore bien loin. Nous en sommes tous spectateurs à présent et attendons la conclusion avec impatience. De cette manière, les personnes que nous aimons et qui se retrouvent piégées dans une intrigue mal écrite, pourront peut-être enfin changer d'auteur et recommencer une nouvelle histoire bien loin du répertoire tragique. Il y a quelque temps de ça, j'écrivais que prendre soin de moi me permettait de prendre soin des autres; j'en ai fait l'expérience empirique ces dernières semaines et il a m'a fallu échapper à un de mes travers les plus polluant, faire l'éponge. Car non, ma peau n'est pas imperméable malgré les kilomètres de piscine que je fais chaque jour, les gouttes de problème des autres passent mon épiderme et me rendent nauséeuse. Les personnes que je croise et qui ne me connaissent pas estiment souvent que je suis froide, hautaine et désagréable...ils ont souvent raison d'ailleurs, je n'aime pas particulièrement mon prochain, ou du moins j'aime les personnes que je choisis d'aimer et les causes pour lesquelles je choisis de me battre. Sans mettre cette barrière sociale, j'ai tendance à récupérer des choses que je ne veux pas et qui me font mal. Ainsi l'auto protection est devenue un de mes sports favoris, j'en ai établi mes propres règles et essaie de les appliquer tant bien que mal. Pour mes amis, je me battrai toujours, pour une certaine justice sociale, je me battrai toujours; pourtant chaque jour mes beaux principes sont mis au défi. Dans le brouillard épais de ces deux dernières semaines, j'ai quand même pu fêter mon anniversaire dans une certaine joie, j'ai été gâtée et grâce à mes amis, nous avons pu faire une parenthèse comique et heureuse pendant quelques heures. Mais voilà quelques jours plus tard, alors qu'avec mon amie et voisine nous rentrions d'un repas, nous nous sommes faites agressées dans la rue par trois personnes particulièrement vindicatives. Mon sac me fut arraché, mes affaires jetées à la gueule pour finir au milieu de la route, puisque rien de son contenu n’intéressa mon agresseur. La suite est logique, appel aux flics, 3heures à l'hôtel de police, reconnaissance de l'agresseur derrière une vitre sans tain, apprendre qu'il n'a en fait que 18 ans et vient du Congo et qu'il est connu des services, s'entendre dire par le flic que les ressortissants d'origine africaine ont développé une résistance physique au spray au poivre et que ça ne sert pas forcément à quelque chose de s'en servir et terminer cette soirée raccompagnées dans une voiture de patrouille chez nous, dans les larmes, le choc et le rire mal à l'aise, ne sachant plus à quelle justice sociale se vouer; les principes ébranlés, essayer de comprendre notre malaise et nous endormir dans un brouillard mental bien décidées malgré tout à ne pas changer notre regard sur le monde qui nous entoure et à ne pas marcher le soir la peur au ventre, un nouveau défi. Quelques jours plus tard un ami m'a envoyé un lien pour regarder le reportage de l'émission "Temps présent" intitulé "les dealers ont pourri mon quartier"... ce reportage est terriblement mauvais et ne sert à rien, il n'explique rien, est putassier et voyeur et décrit notre quartier comme s'il s'agissait d'un arrondissement de Paris, alors qu'on vit à Lausanne les gars! Et puis le terme "pourri" est particulièrement intéressant et paraît ne choquer personne ou presque..."pourri"...voir l'autre comme une pourriture potentielle...même victime d'une agression je ne peux cautionner un tel vocabulaire. Même vaguement misanthrope, je ne peux accepter un parti pris aussi extrême. Il revient à accepter certaines idées politiques violentes, il revient à rejeter toute tentative de compréhension, il revient à me placer dans la peur et je le refuse. Il revient aussi à oublier le principe économique de base de "l'offre et de la demande"... J'en reviens donc au thème de mon post, se protéger sans faire l'éponge, défi personnel large, bataille d'une existence, ambivalence du regard porté sur ce qui m'entoure et sur les acteurs de nos histoires. Je n'ai pas de réponse, pas de conclusion. Afin pourtant de terminer ma pensée aujourd'hui j'emprunterai les mots de Shakespeare dans le "Songe d'une nuit d'été" et de son personnage Puck:
"Si nous, légers fantômes, nous avons déplu,
Figurez-vous seulement (et tout sera réparé),
Que vous avez fait ici un court sommeil,
Tandis que ces visions erraient autour de vous.
Seigneurs, ne blâmez point
Ce faible et vain sujet,
Et ne le prenez que pour un songe :
Si vous faites grâce, nous corrigerons.
Et comme je suis un honnête Puck,
Si nous avons le bonheur immérité
D'échapper cette fois à la langue du serpent [Les sifflets.],
Nous ferons mieux avant peu,
Ou tenez Puck pour un menteur.
Ainsi ; bonne nuit à tous.
Prêtez-moi le secours de vos mains si nous sommes amis
Et Robin vous dédommagera quelque jour.
(Il sort.)"
Figurez-vous seulement (et tout sera réparé),
Que vous avez fait ici un court sommeil,
Tandis que ces visions erraient autour de vous.
Seigneurs, ne blâmez point
Ce faible et vain sujet,
Et ne le prenez que pour un songe :
Si vous faites grâce, nous corrigerons.
Et comme je suis un honnête Puck,
Si nous avons le bonheur immérité
D'échapper cette fois à la langue du serpent [Les sifflets.],
Nous ferons mieux avant peu,
Ou tenez Puck pour un menteur.
Ainsi ; bonne nuit à tous.
Prêtez-moi le secours de vos mains si nous sommes amis
Et Robin vous dédommagera quelque jour.
(Il sort.)"
Ainsi, quelques soient les intrigues, spectateurs ou acteurs, l'histoire se poursuit; je ne m'indigne pas, je dysfonctionne seulement de façon auto apprivoisée face au monde...mais pas tout le temps.
:) )))) encore un article bien pensé...j'ai vu ce reportage bof ...comme tu dis l'offre et la demande
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