La semaine dernière j'ai pu assister à l'avant-première d'un long métrage réalisé par mes amis Stefania Pinnelli et David Deppierraz; "Un monde discret", au City club de Pully. Je me pose alors une première question, le fait que ce film ait été réalisé par des proches et le fait que j'y ai participé un tout petit peu m'enlève-t-il toute objectivité quant à mon appréciation de ce travail? Sans doute pourrait être ma première réponse, toutefois c'est après avoir lu la critique de M Antoine Duplan dans le supplément du Temps-lequel lamine tout bonnement et simplement ce travail- que je me suis reposé la question. Du coup, j'ai bel et bien envie de développer un peu plus sur la thématique de l'objectivité critique. Je vais tout d'abord situer le film. Voilà 8 ans que mes amis travaillent dessus avec pour idée de départ d'assembler 3 courts-métrages afin d'en faire un long. Une idée germée un matin par une phrase simple au premier abord, "tiens si on faisait du cinéma". Bien qu'artistiquement actifs, ni David ni Stefania ne viennent à la base du milieu du cinéma mais chacun aime à sa manière conter des histoires. C'est donc en partant d'un pari un peu fou qu'ils s'y sont mis avec le cœur et on appris au cours de cette aventure la difficulté d'un tel pari. Mais le désir toujours vaillant, ils ont su en s'entourant de personnes qui leur ont fait confiance, parvenir au bout de cette envie. Eux-mêmes avouent que le film s'est construit sur une route sinueuse, telles que peuvent l'être 8 années de vie, mais en mettant un point final à cette histoire, ils ont mis aussi un point symbolique à une boucle comme celle que l'on peut décoder dans leur scénario mis en images. En effet, ce film raconte l'histoire d'un homme en quête de son point de départ, quête insufflée par le fantôme de son frère défunt qui lui apparait alors qu'il vient passer du temps dans la maison familiale désertée depuis longtemps. C'est ainsi grâce à ce fantôme que le personnage, lui-même écrivain, mettra un point final à son histoire, celle de son passé mais aussi celle de son présent tout en pouvant entamer celle de l'avenir. La boucle se referme alors, niant l'existence même d'une temporalité définie, comme en écho au travail des réalisateurs. La force de cette histoire, c'est que nos origines quelles qu'elles soient se mélangent sans cesse à notre présent et à notre avenir, nous vivons nos vies dans une boucle en expansion infinie. Le message de ce film pourrait alors paraître simple, pourtant de mon point de vue il ne l'est pas car il est sans fin, et quoi que de plus complexe que de mettre en image quelque chose d'infini. Les plus grands s'y sont essayés, Kubrick avec " 2001 l'Odysée", Malick avec "The tree of life" et à contrario mais mobilisant les mêmes questionnements, Von Trier avec "Melancholia". Les plus grands oui, avec des images grandioses, des musiques immenses, des acteurs magnifiques et des productions à leur échelle. Un cinéma produit pour un public averti et très large dont je suis la première à faire partie et à savoir en apprécier le contenu aussi bien que la forme. "Un monde discret", lui, comporte dans son titre le moteur de sa production et de sa distribution , "discret". Pourtant il s'agit bien d'un monde mis en images avec talent, découpé avec tact et éclairé avec finesse. Bien sûr le film comporte ses limites, dans les dialogues parfois, certes, les performances des acteurs peuvent sembler inégales peut-être...bon et alors où me mènent ces mots?
Et bien au début de ma boucle réflexive; l'objectivité critique. Je ne peux cautionner que l'on ne salue pas le travail de mes deux amis, je ne peux cautionner que l'on qualifie leur film de "peste" et qu'à côté de ça on encense un film certes sublime dans sa forme mais inutile dans son fond tel que "Drive". Je ne peux cautionner que l'on ne salue pas tout simplement un travail. Je suis consciente que les critiques professionnels comme M Duplan ont d'autres "chat à fouetter" que de saluer au moins un travail de longue haleine si tant est, et c'est son droit le plus absolu, il n'a pas aimé ce film. Toutefois je me retrouve toujours un peu confuse devant le traitement réservé aux films suisses dans la presse de leur pays d'origine. Soit cela passe totalement inaperçu, soit cela crée une polémique. À noter qu'il vaut mieux pencher vers le documentaire plutôt que vers la fiction si l'on veut faire parler de son travail dans ce pays... Car ce que j'ai lu dans "Sortir" n'est pas une critique, c'est une paresse; il fallait bien dire quelque chose alors autant se défouler. Critiquer est un travail que je n'exerce pas et on me rétorquera sans doute que je ne peux pas le comprendre. Malgré tout il me semble que, même en quelques lignes, on peut faire ressortir les atouts et les failles d'un travail sans pour autant le détruire avec autant de véhémence; car après avoir lu les mots de M Duplan, ce qui me vient à l'esprit c'est "chic un film suisse, on va pouvoir enfin se lâcher sans trop se donner de mal". Et malheureusement cette petite phrase dans ma tête revient souvent quand je lis certaines lignes sur des films locaux, et tous ne sont pas faits par des amis, loin de là. Je suis simplement fatiguée par le sarcasme perpétuel mêlé à l'acidité et à la raillerie. Il y a dans ce positionnement ontologique un refus d'ouvrir son regard, ce que j'estime être un comble pour un critique de cinéma. Cette attitude est malheureusement bien trop en expansion, et ce processus de lassitude est une chose contre laquelle j'espère pouvoir, quelque soit mon état de fatigue, me battre.
Pour mes références: http://www.sortir.ch/cinema/event.T.92865-un-monde-discret
Bonjour,
RépondreSupprimerj'ai trouvé votre article très intéressant et bien construit. C'est aussi une question qui me touche depuis un certain temps (je connais des réalisateurs suisses qui ont souffert de critiques très sévères, voire volontairement méchantes). Cela m'intéresse aussi parce que je rédige moi-même des critiques pour le site www.clap.ch, et que je suis parfois confronté à la situation. Tout récemment, j'ai d'ailleurs dû m'atteler à la critique de "Summer games" du Suisse Rolando Colla. Comme je n'ai pas aimé le film, j'ai décidé de la rédiger avec humour et en soulignant ma subjectivité... Une solution comme une autre. Bref, tout cela pour dire que j'ai mis un lien pour cet article sur la page Facebook de clap.ch en espérant que cela ne vous dérange pas (https://www.facebook.com/pages/Clapch/85052249264). Meilleures salutations. Fabio Gramegna
Bonsoir,
RépondreSupprimerMerci pour votre commentaire auquel je ne réponds que maintenant. Je suis contente si vous avez aimé mon article et évidemment ravie que vous le partagiez. Le meilleur pour vous, Virginie